Pitt et la Sorcière

Cette fois, il s’agit de la première partie d’un genre de conte. La suite sera postée au fur et à mesure. Ça sera pas non plus très long, parce que j’ai toujours plus de mal avec les textes plus longs. Je met une image mais cette fois le texte ne découle pas d’elle, c’est simplement pour colorer un peu la page.

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Il s’agit d’une illustration de http://www.sandynightingale.com/ pour un calendrier. Les sorcières sont celles de Pratchett. J’aime beaucoup ce qu’en a fait Miss Nightingale.

 Pitt le Fort était un grand gars bâti comme un joueur de catch, avec air indubitablement innocent. Il avait un caractère paisible, un gros nez rond et des yeux clairs et naïfs. Il aimait casser des caillou avec ses poings, ses pieds, ses genoux et même sa tête, parce que ça le faisait voir des oiseaux très petits voler en cercle en chantant gaiement « pi-pi-pi-pi ». Lui-même parfois, aimer fredonner « pi-pi-pi-pi ».
Pitt habitait le petit village de Robuste-groin-en-manchette. C’était une bourgade ordinaire, qui n’aimait point le raffut ni l’agitation outre mesure.
Avec l’automne vint un vent décidé à contrarier n’importe quel chat. Par un jour d’une lumière tiède, un grand tumulte réveilla le village qui commençait déjà à retomber dans les potins de l’année dernière. C’était toujours pareil, quand une sorcière venait remuer les esprits indolents à Robuste-groin-en-manchette, les mégères en perdaient leur mordant, les avares leur magot et les innocents leur bêtise.

Quand Pitt revint de son escapade bucolique dans le bois avoisinant, il faisait déjà nuit. Il se dirigea directement vers la taverne pour y boire un godet. Quand le jeune homme entra, il sentit tout de suite qu’il y avait quelque chose d’inhabituel. Il fouetta la salle du regard et fixa une dame âgée d’allure majestueuse fringuée d’une grande cape brodée de figues et de raisins. Elle prêtait une grande attention à un jeunot frêle qui parlait fort en agitant beaucoup les bras, sans doute pour compenser sa maigreur par une présence indubitable. Pitt s’accota au comptoir et commanda au tavernier son habituel cassis.
« Qui est cette charmante dame là bas ? »
« Charmante ??? Pitt, tu t’es cogné la marmite ? Cette vieille sorcière est moche comme ma belle-mère ! »
« Tu la connais ? »
« Non, pas vraiment mais rien qu’à voir ses vêtements, y a que les sorcières pour avoir des goûts aussi kitsch ! Et elle est connue… Elle est du genre mauvaise tu vois, le genre avec qui c’est dangereux de choquer sa bière avec ! »
« Hum. Tu connais son nom ? »
« Euh non… Où ben je m’en rappelle pas. Mais y a pas de doute, c’est la méchante sorcière dont tout le monde parle dans le canton. »
« Tu sais ce qu’elle fait ici ? »
« Ouain elle cherche des pandas. Le ptit Luc lui raconte tout c’qui sait parc’qu’il pense récolter une bricole magique, mais il aura rien. Pis à mon avis, elle veut pas des pandas pour leur faire des câlins ! »
« Comment ça ? »
« Ben RÉFLÉCHIS idiot! Bon j’ai des clients à servir moi. »

C’était pas trop dans l’habitude de Pitt de réfléchir. Il continua à la regarder par dessus son verre de jus qu’il sirotait tranquillement. Puis une bonne femme à l’air revêche et à la chevelure frisée s’assit à côté de lui. Elle avait remarqué que Pitt observait la sorcière.
« Tu devrais pas te fourrer dans des affaires où-ce que t’y perdrais des cheveux, mon gaillard. »
« Que …? »
« Ouep, elle est recherchée celle-là. C’est pas une sorcière de pacotille, c’est une vraie avec de la vraie magie qui te fera pousser des ongles à la place des poils! SOI-XANTE millions de double-pistoles sur sa tête! »
« Quoi! Sa tête est mise à prix ? »
« Évidemment c’est la sorcière la plus recherchée de tout le pays. Mais ici elle craint rien, c’est pas les péquenots de Robuste-groin-en-manchette qui peuvent la menacer. »
« Humpf, je vais me coucher. »
« Tu fais bien, Pitt, les Étrangers y z’amènent que du fatras et du désordre malpropre. »
« Mmmouais. Bonne nuit. »

Arrivé chez lui, Pitt n’arrivait pas à dormir. Les paroles entendues à la taverne tournoyaient dans sa tête, rebondissaient en caquetant, puis s’écrasaient comme des poignées de boue sur les vitres de son esprit. Il songeait à cette sorcière et se posaient mille questions à son sujet. À quoi elle ressemblait quand elle était gamine ? Pourquoi elle avait choisi une cape avec des figues et des raisins ? Et enfin, pourquoi, par tous les charognards, elle souhaitait trouver les pandas ? Par les cornes du bouc de Mr Sanguin, j’ai les pensées qui s’étiolent. Il finit par s’endormir bien plus tard en maugréant comme un poissonnier un jour d’orage.

Le lendemain, le brave Robustin* se réveilla tout courbaturé. Il était encore tôt. Il se fit un café bien serré dans sa mansarde qui paraissait trop petite pour sa grande corpulence. Il y habitait depuis ses dix ans. Lorsque ses parents avaient disparu soudainement, il avait fui son village pour arriver ici et s’établir dans cette cabane abandonnée. Au fil des années il l’avait agrandie, fortifiée, adaptée à ses besoins. Pitt lava rapidement sa tasse et sortit de chez lui pour faire fonctionner ses guiboles.

Lorsqu’il abordait la douce courbe du chemin vers le puits, il aperçu plus loin la silhouette d’une personne drapée d’une cape qui marchait à côté d’un âne copieusement chargé. Le grand cœur de Pitt bondit et rebondit dans tous les sens. C’était la sorcière. Elle s’en allait. Il ne la reverrait jamais… Il décida de la suivre un certain temps pour… voir où elle allait… Les idées de Pitt étaient confuses, mais c’est ainsi qu’il se lança dans cette aventure.

* Robustin(e) : habitant(e) de Robuste-groin-en-manchette.